De fin novembre à début janvier, les senteurs de vin chaud et de friandises se répandent dans les rues et places du centre des villes françaises. Originaires d’Allemagne, les marchés de Noël contribuent à l’atmosphère de Noël et sont devenus au fil des siècles une tradition dans l’attente du réveillon. Après plusieurs recherches menées sur ses origines, je vous livre des éclaircissements sur la tradition du marché de Noël en France, en Allemagne et en Europe.
Qu’est-ce qu’un marché de Noël ?
Le marché de Noël traditionnel est composé de chalets en bois proposant dans leurs étals des produits authentiques de toutes sortes. On y trouve des décorations de Noël (notamment pour le sapin), des santons, des jouets en bois et de nombreux objets artisanaux. Certains chalets offrent du vin chaud (Glühwein) et des friandises, dont des petits gâteaux de Noël et du pain d’épices.
Une opportunité pour valoriser le patrimoine architectural
Aujourd’hui, le marché de Noël d’une ville s’inscrit dans le cadre d’une valorisation du patrimoine architectural. Décorations et illuminations embellissent les monuments et leurs façades dès la tombée de la nuit. Celles-ci contribuent à créer une atmosphère toute féérique, voire à la complète métamorphose des lieux. Il est fréquent que la municipalité accepte d’y introduire une patinoire, une grande-roue, un carrousel ou d’autres attractions qui n’ont pas de lien direct avec la fête de Noël.
Quelques marchés de Noël en France se sont embellis de structures venues d’Allemagne : les pyramides de Noël. Elles leur confèrent une certaine exclusivité (à Metz, Arras, Calais et Nice).
Quand les marchés de Noël sont thématisés…
Parfois, les communes organisant un marché de Noël choisissent un nom particulier à leur opération : Village de Noël (Bourges, Perpignan), Village des Alpes (Annecy), Lumières de Noël (Montbéliard), Féerie d’Hiver (Saverne), Rouen Givrée, Un Noël Extraordinaire (Dijon), Besançon Scintillante, Le Mois Givré (Belfort), Des Lyres d’Hiver (Blois)…
Les origines du marché de Noël
Les avis divergent. Mais il semble qu’il y ait consensus dans l’existence de marchés similaires dès le 13e siècle.
Le marché de la Saint-Nicolas
Dès 1294, un arrêté municipal de la ville de Vienne en Autriche mentionne l’organisation d’un marché de la Saint-Nicolas. Il s’agit de la plus ancienne trace écrite d’un marché de ce genre. Des arrêtés municipaux mentionnent les mêmes marchés dans tout le Saint-Empire romain germanique. Strasbourg avait aussi le sien qui se tenait sur le parvis de la cathédrale.
En 1434, le Prince-Électeur Frédéric II autorisa l’organisation d’un marché à Dresde (Allemagne) le lundi précédent Noël. Connu sous le nom de Striezelmarkt, il permettait aux Dresdois de faire leur réserve de nourriture pour le repas de Noël. Il tient son nom du traditionnel gâteau de Dresde : le Strietzel. On considère qu’il s’agit du plus ancien marché de Noël du monde.
Le marché de l’Enfant Jésus
Puis vint la Réforme protestante. Cette rupture avec le catholicisme eut pour conséquence de faire évoluer les traditions locales. Le protestantisme n’était pas favorable au culte des saints. Aussi, les marchés de la Saint-Nicolas furent purement et simplement annulés. Dans son livre La merveilleuse histoire des marchés de Noël d’Alsace Philippe Wendling évoque le rôle joué par le prédicateur protestant Johannes Flinner. Ce pasteur strasbourgeois réussit à convaincre le conseil municipal d’interdire le marché de la Saint-Nicolas. Il le considérait comme étant une « survivance du papisme ». Flinner réclama que, dorénavant, les enfants devraient recevoir leurs cadeaux de l’Enfant Jésus, et non plus de Saint-Nicolas.
Il fallait contenter les forains de l’époque…
Pour contenter les forains qui avaient tout à perdre d’une telle décision, on convint d’ouvrir un marché qui aurait lieu une semaine avant le 25 décembre. Centré sur la Fête de la Nativité, le marché fut rebaptisé « Christkindelsmärik ». Ce qui signifie en français : le marché de l’Enfant Christ. Nous sommes en 1570. C’est la naissance du marché de Noël ‘moderne’, dérivé de l’ancestral marché de la Saint-Nicolas.
D’autres villes allemandes suivront l’exemple : Nuremberg en 1628, Vienne en 1764, Munich en 1806…
Ce n’est qu’au 19e siècle que les étals (avec leurs draps tendus sur des montants en bois) deviendront de petits chalets en bois.
Le renouveau du marché de Noël de Strasbourg
Jusqu’aux années 1990, le phénomène des marchés de Noël restait limité aux pays allemands, dont l’Alsace. En moins de deux décennies, il s’est étendu à la France entière, de Paris à Toulouse et de Avignon à Rouen.
C’est une initiative du syndicat hôtelier alsacien qui semble avoir été à l’origine de l’expansion du concept en-dehors de l’Alsace. À la fin des années 1980, la tradition du marché de Noël de Strasbourg s’essouffle. Le syndicat hôtelier affiche des taux de remplissage jugés trop faibles pour la saison (de l’ordre de 36%). De plus, décembre et janvier sont les mois de l’année où la région reçoit le moins de visiteurs. Face à ce constat, les instances régionales décident de travailler à la promotion de l’Alsace pendant la période de Noël.
Grâce à leur ténacité et au relais par les médias, le revirement de situation est spectaculaire. En 1992, Strasbourg, fer de lance de l’opération, s’auto-proclame Capitale de Noël. Chose toute naturelle car la capitale alsacienne organise le plus ancien marché de Noël en Alsace (et donc en France) : le Christkindelsmärik depuis 1570.
Les marchés de Noël d’Alsace
Quelques villes alsaciennes réinventent le concept : le marché traditionnel à Kaysersberg (1987), le marché de Mulhouse centré autour d’une étoffe de Noël, la Féérie d’Hiver à Saverne, Noël Bleu à Guebwiller. D’autres tentent de sortir leur épingle du jeu en offrant une alternative au marché de Noël : la Forêt Enchantée à Altkirch, la Ronde des Crèches à Masevaux. De huit marchés de Noël existant en Alsace au début des années 1990, ce nombre est passé aujourd’hui à plus de 300.
La folie des marchés de Noël gagne la France entière
Dans les années 2010, chaque grande ville de France se doit d’organiser son propre marché pendant l’Avent. Avec des variantes qui les différencient parfois nettement de leurs modèles alsaciens. Vous y trouverez des chalets ou des tentes blanches offrant des produits made-in China mais aussi des articles artisanaux. Vous aurez le choix entre une échoppe de fast-food ou un étal proposant des produits du terroir. Sur les Champs-Élysées à Paris, le gigantesque marché de Noël prenait des airs de fête foraine (grâce – ou à cause de Marcel Campion !)… jusqu’en 2016 car il ne fut pas renouvelé en 2017 !
Si le consommateur est ravi, ce phénomène récent à de quoi laisser perplexe le visiteur en quête d’un Noël traditionnel. C’est ce qui a justement poussé les organisateurs du marché de Strasbourg à « veiller à la qualité et à l’authenticité des produits proposés ».
Vers des marchés de Noël sans aucune connotation religieuse ?
Peut-affirmer dire que les marchés de Noël promeuvent les traditions religieuses ? Ou constituent-ils surtout et seulement une belle opportunité commerciale ? Nos marchés de Noël seraient-ils (re)devenus païens ? Les questions sont ouvertes et si vous souhaitez y répondre, laissez un commentaire à la fin de cet article. Une chose est certaine : ils participent à la création d’une atmosphère chaleureuse et animée, bien appréciée au début de la longue saison hivernale.
Quelle est la fréquentation des marchés de Noël ?
Les réponses varient considérablement selon les sources. On a coutume d’entendre que le marché de Noël de Strasbourg est le plus visité (2 millions par an), suivi de celui de Metz. Or, l’apparition récente de vastes marchés de Noël à Paris (La Défense notamment) bouleverse la donne qui voulait que les marchés les plus visités se trouvent dans le Nord-Est de la France.
Ainsi la palme du marché de Noël le plus fréquenté de France revenait celui des Champs-Élysées jusqu’en 2016. Il accueillait 15 millions de visiteurs pendant 7 semaines. Le marché était devenu le premier événement parisien annuel. Ce marché de Noël ne fut pas reconduit en 2017 par décision de la municipalité de Paris. Il semblerait qu’en 2017, le marché le plus visité soit à nouveau celui de Strasbourg… mais ceci reste à confirmer.
La France, numéro deux en Europe pour le nombre de marchés de Noël
Avec quelques 40 marchés de Noël, la France est numéro deux en Europe pour le nombre d’adresses, loin devant le Royaume-Uni, l’Autriche, la Suisse ou les Pays-Bas. Pourtant, ce nombre fait pâle figure face aux 2000 à 3000 marchés de Noël organisés chaque année en Allemagne.
Les marchés de Noël français attirent près de 27 millions de visiteurs chaque année, dont plus de 2 millions à Strasbourg. Le chiffre d’affaires total avoisinait les 400 millions d’euros en 2013 en France et pas moins de 5 milliards d’euros en Europe !
Un concept amené à évoluer dans les années 2020
La multiplication des marchés de Noël en France, en-dehors de l’Alsace, a été remise en cause par un nombre de facteurs dont des crises sociales et sanitaires.
Disparu en 2017, le marché de Noël d’Avignon avait lieu sur la place de l’Horloge. Il devait être de retour en 2018 mais il a fait les frais du mouvement des Gilets Jaunes. Il a réapparu timidement en 2019 avec 25 cabanons installés sur le cours Jean-Jaurès.
La crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19 a entraîné l’annulation (historique !) de la plupart des marchés de Noël, dont ceux de Strasbourg, Nancy et Lille.
Il n’est pas exclu que certaines municipalités repensent à l’avenir leur stratégie quant à l’organisation de marchés de Noël, et s’orientent vers un programme davantage basé sur des événements et animations différentes.
Les trois types de marchés de Noël en France
Il faut distinguer trois types de marchés de Noël selon leur fréquence :
- Les marchés de Noël permanents (Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Riquewihr, Éguisheim, Sélestat, Obernai, Haguenau, Montbéliard, Metz…)
- Ceux qui sont réguliers (Ribeauvillé, Turckheim, Kaysersberg, Molsheim…)
- Les marchés ponctuels (Andlau, Bergheim, Neuf-Brisach, Rosheim, Riedisheim…)
Cliquez ici pour découvrir la liste des marchés de Noël en Alsace avec les dates et horaires d’ouverture.
Quelques photos…
Pour en savoir plus
Découvrez sur le blog les marchés de Noël :
Dans le Bas-Rhin
Dans le Haut-Rhin
En France (Franche-Comté, Lorraine et Savoie)
En Suisse et en Allemagne
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Il est difficile d’aller contre le cours de choses et le caractère de plus en plus païen des marchés de noël fait partie du cours des choses. Même si cela relève d’un véritable suicide, nous cherchons à obéir à la mode qui consiste à aller contre les traditions (en latin tradere veut dire donner et la tradition est un don que nous font nos ancêtres). Le drame c’est qu’en croyant couper nos racines nous croyons nous libérer, or ce qui nous attend c’est une tyrannie qui une fois installée interdira toutes manifestations rappelant le christianisme, dont noël et ses marchés.
Je suis née à Mulhouse en 1943 et n’ai jamais connu le marché de Noël.
Noël est devenue une fête païenne, la fête des commerçants, toujours plus, la galette des rois est déjà vendu début décembre et pour ne pas déplaire à certains concitoyens il faut enlever toute corrélation avec nos traditions chrétienne.
Même l’église, exemple : messe de minuit que nous connaissions est à 18h30 ou 20h!!!
Effectivement, le marché de Noël de Mulhouse ne date que des années 1990… seul celui de Strasbourg existait dans les années autour de votre naissance. Bonne semaine à vous !
Merci Dominique pour votre commentaire… ça me rappelle cette citation de René Maran : « Les traditions valent ce qu’elles valent. Certaines sont infiniment désagréables. D’autres sont tout le contraire. »