Voici une petite cité alsacienne qui m’est familière. Lorsque nous habitions dans le Sundgau, mes parents nous emmenaient souvent en randonnée dans les environs de Thann. Du Molkenrain au Thanner-Hubel, en remontant la vallée de la Thur ou en explorant les pentes vertigineuses du Rangen, notre terrain de jeu avait tout pour plaire. Et, plus récemment, j’ai re-découvert les trésors de Thann, dont la fameuse collégiale de Thann. Un vrai bijou !
Un peu d’histoire…
Comme de nombreuses localités en Alsace, Thann attribue son origine à un événement légendaire… avec un soupçon de poésie.
Quand l’histoire prend le pas sur la légende
Remontons le temps au 12e siècle.
Saint Thiébaut, évêque de Gubbio, en Ombrie, mourut en 1160. Il légua son anneau épiscopal à son plus fidèle serviteur. Mais ce dernier, en voulant retirer ledit objet, préleva un pouce sur le corps du saint ! Tant pis, il dissimula la précieuse relique dans son bâton de voyage.
Puis, il se mit en route, traversa les Alpes et entra en Haute-Alsace.
Une nuit, il s’endormit dans une forêt de sapins, ayant fiché en terre son bâton.
Le miracle des Trois Sapins
Au matin, ô miracle, le pèlerin essaya d’arracher le bâton du sol, mais ne put y parvenir. En même temps, trois grandes lumières apparurent au-dessus de trois sapins.
Le châtelain du Engelbourg aperçut à son tour le phénomène surnaturel du château appartenant au comte de Ferrette. Sans attendre, il accourut sur le site et décida de construire une chapelle au lieu même du miracle.
Aussitôt, le bourdon quitta la terre sans difficulté.
La chapelle devint bientôt un lieu de pèlerinage fréquenté. Une ville se construisit tout autour.
On lui donna naturellement le nom de « Thann », qui signifie sapin.
Chaque année, le 30 juin, la « Crémation des trois sapins » commémore le prodige. Trois sapins sont brûlés sur la place du Maréchal Joffre, devant l’église… et une vieille tradition voulait que la foule s’en disputa les débris !
Une ville autrichienne
Sur les hauteurs de la ville se dressait un puissant château : l’Engelbourg (le château des anges).
Possession des comtes de Ferrette, il permettait de surveiller l’accès à la vallée de la Thur et au col de Bussang. Les Ferrette avaient ainsi le contrôle d’une route stratégique entre le duché de Lorraine d’une part, et le Sundgau et Bâle d’autre part. Cette route existe toujours aujourd’hui : c’est la RN66.
En 1324, le château partagea le sort du comté de Ferrette. Par le mariage de Jeanne de Ferrette (l’héritière du comté) et l’archiduc Albert II de Habsbourg, le territoire du Sundgau devint autrichien.
Et Thann devint française
Les Traités de Westphalie signés le 24 octobre 1648, mirent fin à la guerre de Trente Ans.
La France de Louis XIV récupéra des territoires qui n’avaient jamais été français. Il s’agit de la Haute-Alsace autrichienne (ou Sundgau).
Thann suivit le destin de cette province et devint française, aux côtés de Belfort, Altkirch et Ensisheim. Quant à Mulhouse, alliée aux cantons suisses, elle resta une enclave non-françaises (jusqu’à la date de son « rattachement » à la France en 1798).
La Révolution française créa le département du Haut-Rhin. Thann devint chef-lieu de canton de l’arrondissement de Belfort.
C’est à l’issue de la guerre franco-prussienne (1870-71) que la ville, devenue allemande – contrairement à Belfort -, se retrouva à la tête d’un nouvel arrondissement. Celui-ci fusionna avec l’arrondissement de Guebwiller le 1er janvier 2015.
De nos jours, Thann est restée une localité stratégique sur la route nationale 66 reliant le Benelux à Bâle.
Les incontournables de Thann
Partons maintenant à la découverte de cette jolie étape, membre de l’association Les Plus Beaux Détours de France. Son plus beau monument se voit de loin : il s’agit de la magnifique collégiale gothique Saint-Thiébaut.
La collégiale Saint-Thiébaut
Un ancien dicton alsacien affirmait :
« Le clocher de la cathédrale de Strasbourg est le plus haut, celui de Fribourg(-en-Brisgau) est le plus gros, celui de Thann est le plus beau ».
En effet, force est de constater que la collégiale de Thann fait partie des plus beaux sanctuaires gothiques du Rhin supérieur.
Elle fait ainsi figure de « cathédrale » locale.
L’extérieur de la collégiale Saint-Thiébaut
Positionnez-vous devant le remarquable portail occidental.
Il présente un très haut tympan surmontant deux portes munies chacune d’un petit tympan.
- Le tympan supérieur représente la vie de la Vierge.
- Le petit tympan de droite, l’Adoration des Mages.
- Le petit tympan de gauche, la Crucifixion.
Le portail est magnifiquement illuminé pendant l’Avent.
L’intérieur de la collégiale Saint-Thiébaut
L’intérieur de l’église est riche et d’une grande élégance.
Les voûtes ont de jolies clés armoriées, sculptées et peintes. Celles-ci ont fait récemment l’objet d’une restauration.
Le chœur de l’église, d’une grande profondeur, est orné de statues d’apôtres. Les magnifiques stalles sculptées en chêne remontent au 19e siècle. Au nombre de 51, elles sont de même facture que celles de la collégiale Saint-Martin de Colmar et la cathédrale Saint-Etienne de Metz. On y retrouve toute la fantaisie évoquant le moyen-âge : feuillages, gnomes, personnages comiques.
Enfin, levez les yeux pour admirer les belles verrières. Certains vitraux datent du 15e siècle.
Le centre-ville
Le centre de Thann n’est pas très grand. On remarquera cependant quelques maisons anciennes.
Ainsi que la jolie fontaine de Saint-Thiébaut au pied de la collégiale (place Saint-Thiébaut) et à l’entrée de la rue de la 1ere Armée (l’artère principale de la vieille-ville).
Le pont sur la Thur
Le pont offre un charmant tableau sur les rives de la Thur avec, sur la gauche, la Tour des Sorcières. Ce monument reconnaissable à son toit en bulbe date du 15e siècle. Il s’agit du dernier vestige des fortifications médiévales.
L’Engelbourg ou Œil de la Sorcière
A partir de 1648, la frontière du royaume de France fut repoussée des Vosges sur le Rhin. De ce fait, l’Engelbourg perdit quelque peu son intérêt militaire et stratégique.
En février 1673, Louis XIV ordonna de le démanteler. Mais la tâche se révéla plus ardue que prévue pour les mineurs de Giromagny. Au bout de trois essais, le donjon s’effondra enfin. La grosse tour se souleva avant de se briser en plusieurs morceaux. Le plus gros de ces débris forma une ruine cylindrique qui, vue de loin, ressemblait à un œil monstrueux. Le château des Anges prit le surnom d’Œil de la Sorcière.
Découvrez l’histoire de ce château dans mon article sur Halloween en Alsace… Frissons garantis ! 🙂
Vous pouvez monter au château depuis le centre du bourg et visiter les ruines en accès libre. Du sommet, jolie vue sur les toits de Thann, les montagnes des Vosges et les collines du Sundgau. Au loin, on distingue l’agglomération de Mulhouse.
Le vignoble du Rangen
Sur les coteaux qui bordent la rivière Thur, on récolte le fameux vin du Rangen.
Le Rangen fait partie des 51 grands crus du vignoble d’Alsace. Orienté plein sud, le vignoble est le grand cru situé le plus au sud d’Alsace. Il présente la particularité d’être parmi les plus raides du vignoble alsacien (68% à certains endroits !) avec un étagement compris entre 340 mètres à 467 mètres d’altitude.
Une ancienne chronique affirmait que :
« Un homme n’en peut supporter un pot sans ivresse et sans chute ; ce vin veut être bu sobrement et chez soi ».
Ca promet !
Au milieu du 16e siècle, le savant humaniste et cartographe allemand Sébastien Munster vantait :
« Le fort bon vin qui croit sur la montagne appelée Rangen, ce que savent fort bien les habitants de Bâle ».
Visiblement impressionné : Michel de Montaigne, qui de passage à Thann en 1580, aurait écrit à propos du vignoble :
« Lendemain au matin, trouvâmes une belle et grande plaine, flanquée à main gauche de coteaux pleins de vignes, les plus belles et les mieux cultivées ».
A découvrir aux alentours de Thann
Thann constitue une base idéale pour découvrir la région.
La ville est le point de départ de trois routes touristiques en Alsace :
- la Route des Vins d’Alsace (170 km de long jusqu’à Marlenheim au nord)
- la Route des Crêtes (l’itinéraire commence plus précisément à Uffholtz et se termine à Sainte-Marie-aux-mines)
- et la Route Joffre (qui monte au col du Hundsruck avant de redescendre à Masevaux)
De plus, Thann ouvre l’accès à la vallée de la Thur et aux cols de Bussang et de Blamont.
La ville est également le point de départ de nombreux sentiers balisés par le Club Vosgien. Ils permettent d’atteindre les sommets vosgiens environnants : le Molkenrain et le Rossberg.
Noël à Thann
Pendant l’Avent, Thann accueille un beau marché de Noël. Les habitants de la communauté de communes de Thann-Cernay participent à la décoration de sapins illuminés. Quant au portail occidental de la collégiale, il est mis en valeur par un joli éclairage.
Découvrez le marché de Noël de Thann ici.
Où séjourner à Thann ?
Thann est idéalement située sur la RN 66 entre le Bénélux et la Suisse, non loin de l’agglomération de Mulhouse. Vous trouverez plusieurs idées d’hébergement en cliquant ici. Ou bien, laissez-vous guider en navigant sur la carte ci-dessous :
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Pour en savoir plus
Sites de référence
- Découvrez la Route des Vins d’Alsace
- Suivez la Route des Crêtes des Vosges
- Notre page sur le massif des Vosges
- Le site de l’Office de Tourisme des Hautes-Vosges-Alsace
Une épingle pour Pinterest
Avez-vous visité Thann et ses environs ? Si oui, qu’est-ce qui vous a plu dans sa découverte ? Dites-moi tout ci-dessous 🙂
Bonjour Pierre, merci pour votre bel article sur la petite ville de Thann ! Il donne envie de s’y rendre !
Selon vous, est-ce une ville uniquement touristique ou au contraire peut-on y habiter à l’année en bénéficiant d’un environnement dynamique pour une jeune famille ? Merci d’avance pour votre réponse !
Merci Hélène. Thann n’est pas seulement une ville touristique et – à mon avis – sa situation au pied des Vosges et à proximité d’une grande ville (Mulhouse) en fait un lieu de villégiature et de résidence très intéressante.