La Route des crêtes des Vosges : un itinéraire de rêve pour celles et ceux qui rêvent de prendre de la hauteur. Parallèle à la Route des vins, la route panoramique tutoie les plus hauts sommets vosgiens, le long de la frontière entre l’Alsace et la Lorraine. Cheminant tantôt sur le versant lorrain des Vosges, tantôt sur celui de l’Alsace, la Route est orientée Nord-Sud. Elle devient exclusivement alsacienne à partir du Rainkopf. A de nombreux endroits, elle cumule les belles échappées sur le massif vosgien, la plaine d’Alsace et les montagnes de la Forêt-Noire et du Jura. Mais peu de personnes savent que cette route bucolique fut tracée pendant la guerre 1914-1918 par le Haut-Commandement français. Suivez le guide du col du Bonhomme à Thann !
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La Route des crêtes : un itinéraire stratégique
Techniquement la Route des crêtes s’étend de Sainte-Marie-aux-Mines jusqu’au village de plaine d’Uffholtz. En la parcourant, vous découvrirez des paysages différents, alternant forêts aux essences variées et pâturages d’altitude.
Les Hautes Chaumes
Si la route traverse des forêts pour la moitié de son tracé, ce sont les pâturages qui surprennent les visiteurs. Ils donnent aux sommets arrondis des Vosges cet aspect particulier de têtes chauves. Telles celles des moines. Ce n’est pas anodin car ce sont justement les religieux qui coupèrent les arbres des sommets vers 1250. Les pâturages d’altitude – les Hautes Chaumes – accueillaient les troupeaux de vaches dont le lait servait notamment à la production du munster.
- En hiver, ces vastes pelouses sont couvertes d’un tapis neigeux pour le plus grand plaisir des amateurs de sports d’hiver.
- Au printemps, ces grands espaces herbeux se recouvrent de fleurs de montagne : une multitude de jonquilles, plus rarement le prestigieux lys martagon.
- L’été venu, les vaches de race vosgienne y font tinter joyeusement leur sonnaille.
- Enfin, à l’automne, l’herbe prend des tons orangers-bruns, contribuant au pittoresque du paysage.
La ligne de crête
Long de 88 kilomètres, l’itinéraire suit la limite traditionnelle entre l’Alsace et la Lorraine. En effet, la ligne de faîte du Donon au Ballon d’Alsace a depuis fort longtemps été une frontière naturelle entre le duché de Lorraine et les territoires alsaciens. La ligne de démarcation entre les deux provinces devint stratégique à partir de 1871. La guerre franco-prussienne de 1870-71 allait avoir des conséquences directes sur notre ligne bleue des Vosges…
La frontière franco-allemande de 1871
Le 10 mai 1871, par la signature du Traité de Francfort, l’Empire allemand annexa l’Alsace (à l’exception de Belfort) et le département de la Moselle en Lorraine. De facto, les cols de la ligne de crête devinrent des points de passage contrôlés par les douaniers français et allemands. En regardant bien, vous pouvez encore trouver les bornes de l’ancienne frontière. Elles sont gravées d’un côté, F pour France et de l’autre, D pour Deutschland (Allemagne).
La ligne bleue des Vosges
La paternité de la fameuse « ligne bleue des Vosges » revient à Jules Ferry (1832-1893). Dans son testament, le sénateur des Vosges souhaita être inhumé dans sa ville natale de Saint-Dié-des-Vosges, « en face de cette ligne bleue des Vosges d’où monte jusqu’à mon cœur fidèle la plainte touchante des vaincus ». Il est vrai que, lorsque l’on observe les Vosges depuis la plaine d’Alsace, la couleur bleue est dominante… est-ce dû aux différentes essences de conifères ?
Le tracé de la Route des crêtes
C’est le Haut-Commandement français qui décida de tracer une route stratégique pendant la guerre 1914-1918. Les militaires avaient pour objectif d’assurer sur le front des Vosges les communications Nord-Sud entre les différentes vallées. Le souvenir de la Grande Guerre y est encore très fort. Le site du mémorial national du Vieil Armand, également traversé par la Route des crêtes, est un lieu de mémoire poignant.
L’après 1918
En 1918, l’Alsace redevint française et la Route des crêtes cessa son rôle de frontière. Depuis, les crêtes des Vosges ont retrouvé la paix. C’est à peine si l’on soupçonne son origine militaire lorsqu’on admire les paysages variés d’un col à l’autre.
Le parcours de la Route des Crêtes des Vosges
J’ai coutume de dire que la Route des crêtes est le pendant aérien de la Route des vins. En effet, les deux itinéraires touristiques sont orientés Nord-Sud. Il est donc aisé de composer un circuit de découverte de l’Alsace vosgienne à partir de Thann.
De Thann, empruntez la Route des vins jusqu’à Sélestat en passant par Guebwiller, Rouffach, Eguisheim, Colmar, Turckheim, Kaysersberg, Riquewihr, Ribeauvillé, Bergheim, Saint-Hippolyte, Kintzheim et Châtenois. Vous aurez eu un aperçu de la partie la plus pittoresque de la route touristique.
De Sélestat, prenez la direction de Saint-Dié-des-Vosges / Nancy (N59) et faites une petite halte à Sainte-Marie-aux-Mines. Empruntez la D48 qui suit le torrent de la Liepvrette. La route monte au col des Bagenelles (903 m) puis au col du Pré de Raves (1005 m) avant d’atteindre le col du Bonhomme (949 m).
Route alternative : vous pouvez également raccourcir le circuit « Route des vins / Route des crêtes » en reliant le col du Bonhomme par la vallée de Kaysersberg.
Dernier petit détail mais qui a son importance…
La Route des crêtes a beau être une route… c’est à pied que vous découvrirez les plus beaux paysages ! En effet, les panoramas les plus beaux se contemplent un peu à l’écart de la route… souvent, il est utile de garer son véhicule au parking et de rejoindre la crête ou le sommet le plus proche.
Si vous n’avez pas le courage (ou la faculté physique) de monter plus haut, rassurez-vous, la Route vous offrira de belles échappées à plusieurs moments. Pourquoi je préfère la parcourir du Nord au Sud ? Parce qu’en descendant du Grand-Ballon, la vue sur la plaine d’Alsace et les massifs montagneux environnants est époustouflante.
Le col du bonhomme (949 m)
Avec le col de Saverne, le col de la Schlucht et le col de Bussang, celui du Bonhomme fait partie des quatre grands cols des Vosges. Le point de passage relie les vallées de la Meurthe (Lorraine) et de Kaysersberg (Alsace). Il est d’importance stratégique, et ce depuis des temps fort anciens ! Déjà, du temps des Romains, il était traversé par la route reliant Toul à Vieux-Brisach.
Aujourd’hui, ce col très fréquenté est traversé par la D415, point de passage obligé entre Colmar et Nancy via Kaysersberg. On y trouve des hôtels-restaurants et un magasin de souvenirs. Une stèle (le monument Bataille) y fut dressée pour commémorer les violents combats qui se déroulèrent dans le secteur en 1914, tuant au passage le général Bataille et ses officiers.
Un accès beaucoup plus direct et rapide a été ouvert en 1976 : le tunnel Maurice Lemaire qui relie Sainte-Marie-aux-Mines à Saint-Dié-des-Vosges.
Suivez la D148 (en Alsace) qui devient la D61 (en Lorraine). Vous traverserez le col du Louchpach (978 m).
La route atteint ensuite le col du Calvaire (1144 m). Ce dernier surplombe le Lac Blanc que vous pourrez apercevoir en empruntant la D48II sur quelques kilomètres.
Dans tous les cas, suivez la D61 jusqu’au parking du restaurant du Gazon du Faing.
Le Gazon du Faing (1306 m)
Le Gazon du Faing est une montagne dont le versant Ouest (en Lorraine) montre une pente toute en douceur. Mais après une promenade de 500 mètres à travers le « gazon » (les hautes-chaumes), on arrive brusquement au flanc ouest, abrupt et rocheux.
La vue panoramique y est admirable et plongeante, surtout du côté alsacien. En contrebas, les eaux d’un bleu profond du lac des Truites, des lacs Blanc et Noir miroitent à la lumière du soleil. La plaine d’Alsace semble toute proche, tout comme la ligne bleue de la Forêt-Noire en Allemagne.
De l’autre côté, on s’émerveille devant le contraste saisissant du paysage. Le versant lorrain descend en pente douce et laisse progressivement place au plateau lorrain, la partie la plus orientale du Bassin parisien. On aurait presque envie de continuer la Route des crêtes à pied en oubliant la voiture…
Continuez la route jusqu’au col de la Schlucht à travers d’épaisses forêts de conifères ponctuées ici et là d’échappées sur les vallées du versant lorrain.
Le col de la Schlucht (1135 m)
Nous sommes maintenant arrivés à une étape-clé de la Route des crêtes. Il s’agit peut-être du col le plus emblématique des Vosges : le col de la Schlucht.
Ce nom obscure pour les non-initiés (et les visiteurs venant d’autres parties de la France !) signifie « la gorge » ou « le défilé ». Il a pour synonyme le mot « cluse » utilisé en pays savoyard et jurassien.
Au passage, je vous mets au défi de prononcer ce mot correctement la première fois. Les Alsaciens disent : la SCH-LOU-RRTT mais du côté lorrain, c’est un peu plus simple : la SCH-LOU-TT 🙂
La Schlucht fait communiquer la vallée alsacienne de la Fecht (ou de Munster) à celles de la Meurthe et de la Vologne en Lorraine. C’est le point de passage le plus élevé de la D417. La départementale permet de relier les villes de Colmar à Gérardmer, distantes de 50 kilomètres.
D’illustres visiteurs au col…
Cette route de montagne fut tracée par une initiative privée à partir de 1842. En 1860, Napoléon III lui-même inaugura la route en faisant halte au col de la Schlucht (il y reviendra encore en 1865 et 1867). L’empereur français n’est pas la seule personnalité à y avoir séjourné. On compte parmi ses visiteurs le Kaiser Guillaume II (en 1908) à une époque où le col faisait office de frontière entre la France et l’Allemagne. En 1940, Hitler y séjourna également.
La Belle Epoque marqua l’essor de la Schlucht qui se transforma en station d’hiver accueillant des compétitions de ski à partir de 1905. Aujourd’hui, le col fait intégralement partie du domaine skiable de la Schlucht – le Collet – Retournemer avec 9 pistes de ski alpin et 4 remontées mécaniques.
En été, le col est une destination touristique de premier ordre dans la région. On y trouve un télésiège, une luge d’été et des commerces (hôtels-restaurants, boutique de souvenirs). C’est aussi le point de départ de parcours VTT et pédestre. Depuis 1931, le Tour de France a traversé le col à dix reprises.
Poursuivre la Route des crêtes par la D430. Vous passerez devant le jardin d’altitude du Haut Chitelet, un jardin botanique à 1200 mètres d’altitude faisant partie des Jardins botaniques du Grand Nancy et de l’Université de Lorraine.
Peu après, un panorama magnifique s’offre sur la vallée de la Vologne ponctuée des lacs de Retournemer et de Longemer.
A l’approche du Hohneck, garez-vous au parking de l’auberge Au pied du Hohneck ou empruntez la petite route qui monte au sommet.
Le Hohneck (1363 m)
Le Hohneck est l’une des montagnes les plus emblématiques des Vosges, reconnaissable au chalet-restaurant édifié sur le sommet. Culminant à 1363 m, c’est le plus haut sommet de Lorraine (le point culminant des Vosges étant le Grand Ballon, 1424 m, situé sur le territoire alsacien). Il s’agissait également du point le plus élevé de l’ancienne frontière entre le duché de Lorraine et l’Alsace, puis de la France et de l’Allemagne de 1871 à 1918.
Son versant Ouest appartient au bassin de la Moselle (Lorraine) et ses pentes sont relativement douces. Le versant Est appartient au bassin de l’Ill (Alsace) et présente un caractère rocheux et très abrupt, propice même à l’escalade.
On accède au sommet par une petite route à la circulation réglementée. Elle monte à partir de l’auberge du pied du Hohneck. Vous pouvez également garer votre véhicule au parking de l’auberge et continuer à pied (15 à 30 minutes à pied).
Au sommet, une table d’orientation vous fera découvrir les principaux sommets des Vosges, du Donon au Grand Ballon.
A l’Est : Colmar, la plaine d’Alsace, la Forêt-Noire, le Jura et les Alpes.
A l’Ouest : les Vosges lorraines et le plateau lorrain.
Reprenez la D430 à travers les chaumes en direction du Markstein.
Du Rainkopf au Markstein
A hauteur de la ferme-auberge Breitzhousen, admirez la belle vue sur le versant lorrain des Vosges et le lac de la Lande.
Juste après avoir passé l’Auberge de la Chaume du Firstmiss, la route se faufile sur les pentes boisées du Rainkopf (1305 m) en corniche. Sur la droite, quelques échappées sur le lac de Blanchemer seront les dernières vues sur la Lorraine avant d’accéder au tronçon de la Route des crêtes exclusivement alsacien.
Une fois entré en Alsace, on découvre la haute vallée de la Thur et le lac de Kruth-Wildenstein.
Rien (à part le temps !) ne vous empêche de vous arrêter sur le parking à l’intersection de la route caillouteuse menant à l’auberge Steinwasen (sur votre gauche). Vous continuerez à pied sur une centaine de mètres pour découvrir le versant abrupt de la vallée de la Fecht.
Puis, quelques kilomètres plus loin, une autre vue splendide sur la vallée de la Fecht se découvre sur la gauche.
Les chaumes sont ponctuées ici et là de fermes-auberges propices à une halte gourmande.
Enfin, vous atteignez la station de villégiature du Markstein.
Le Markstein (1190 m)
La traversée de ce centre de sport d’hiver et d’été risque de ne pas vous intéresser à moins d’en faire son lieu de séjour.
En hiver, 8 remontées mécaniques et 12 pistes de ski alpin en font un haut-lieu des sports d’hiver dans les Vosges, accessible facilement de Mulhouse.
En été, Le Markstein est un carrefour idéal pour les randonnées sur la ligne des crêtes des Vosges. Les sommets environnants sont accessibles à tous et offrent des points de vue sur la vallée de la Thur et haute vallée de Guebwiller, ainsi que le lac de la Lauch en contrebas.
A la sortie de la station, continuez tout droit en direction du Grand Ballon par la D431. Après avoir roulé quelques kilomètres, vous reconnaîtrez le point culminant des Vosges grâce à la bulle futuriste du radar.
La route atteint le col du Grand Ballon (1325 m) et contourne le sommet par l’Est. Un parking permet de stationner son véhicule près de l’hôtel-restaurant avant de continuer à pied l’ascension.
Le Grand Ballon (1424 m)
Point culminant des Vosges, le Grand Ballon (parfois appelé Ballon de Guebwiller) atteint une altitude de 1424 m. Si la hauteur de la montagne est certes modeste par rapport aux Alpes, sa prédominance sur la plaine d’Alsace permet d’admirer un des plus beaux panoramas de France.
La vue s’étend des sommets vosgiens à ceux du Jura et de la Forêt-Noire. Par temps clair, la chaîne des Alpes est visible, ainsi que le mont Blanc. Pour la petite anecdote, le Grand Ballon (et les sommets vosgiens alentours) sont suffisamment élevés pour distinguer 5 pays européens (France, Allemagne, Suisse, Liechtenstein et Autriche), chose plutôt rare en France !
Pour en savoir plus sur le Grand Ballon.
Dans la descente du Grand Ballon
A partir du Grand Ballon, la Route des crêtes suit la pente descendante. Mais avant de commencer la descente dans la forêt, l’itinéraire réserve encore quelques points de vue superbes.
La chapelle de Sudel
Dans la descente du Grand Ballon, vous apercevrez sur une petite éminence la chapelle de Sudel. Ce haut lieu de Mémoire est accessible à pied en garant son véhicule sur le bas-côté de la route. Edifiée en 1931, elle rappelle le souvenir des soldats français tués dans les terribles combats du Vieil Armand.
Très rapidement, vous atteindrez le col Amic.
Le col Amic
Le col Amic doit son nom au capitaine Paul Amic (Evreux, 1883 – Vieil Armand, 1915) qui combattit au Vieil Armand. Une stèle commémorative lui est dédiée au col.
Le château de Freundstein
Il faudra vous retourner pour l’apercevoir ! (ou se garer sur le bas-côté de la route). Le château de Freundstein n’est que ruine. Il fut sérieusement endommagé au 14e siècle suite au tremblement de terre de Bâle (1356). Puis il fut incendié en 1525 lors de la guerre des paysans. Rebâti, il subit la foudre en 1562. Ses occupants abandonnèrent la forteresse au cours du 17e siècle. Si je ne m’abuse, il s’agit à ce jour du château féodal le plus élevé d’Alsace. Ses ruines gisent à une altitude de 927 mètres !
Peu après la ferme-auberge du Freundstein, la route quitte les hautes chaumes pour s’engouffrer dans la forêt. Le Vieil Armand n’est plus très loin…
Le Vieil Armand (906 m)
Le site du Vieil Armand est accessible par le col du Silberloch (906 m). Son nom (silber « argent » et loch « trou ») révèle l’existence de mines d’argent aux 15e et 16e siècles.
C’est là que se trouvent le parking et le mémorial, dominés par le promontoire rocheux du Hartmannswillerkopf.
Le monument national
La crypte du monument national renferme les ossements de 12 000 soldats inconnus tués lors des combats de 1915.
L’entrée est gardée par les statues de deux archanges, sculptures d’Antoine Bourdelle réalisées dans les années 1920. C’est son ami Robert Danis, architecte en chef des monuments historiques et directeur de l’architecture et des beaux-arts d’Alsace et de Lorraine qui lui en a confié la réalisation.
Sur l’esplanade qui couvre la crypte se dresse l’autel de la Patrie.
Il s’agit d’une copie conforme à celui qui fut élevé au milieu du Champ de Mars à Paris à l’occasion de la fête de la Fédération le 14 juillet 1790. Sur l’autel en bronze sont représentées les armoiries des grandes villes de France.
La nécropole nationale
L’esplanade laisse place à la nécropole nationale du Silberloch. Ce cimetière militaire français de 1,67 hectares rassemble les tombes de 1260 soldats ainsi que 384 dépouilles regroupées en 6 ossuaires. On estime à 30 000 le nombre de soldats français et allemands tués au combat sur le site du Vieil Armand entre 1914 et 1918.
Le Hartmannswillerkopf
Un sentier prolonge le cimetière et grimpe au sommet du Hartmannswillerkopf (956 m). Une croix lumineuse de 22 mètres de haut, visible depuis la plaine, marque l’ancien emplacement du front français.
Prenez le chemin sur la droite pour atteindre le promontoire rocheux sur lequel a été érigée la croix en fer des Engagés volontaires. La vue sur la plaine d’Alsace est magnifique. Mulhouse, Bâle en Suisse, la Forêt-Noire et le Jura sont à votre portée. Et par temps clair, les Alpes bernoises apparaissent à l’horizon (Eiger, Jungfrau et Mönch).
Aux alentours, vous découvrirez nombre de tranchées, abris et autres installations, témoignages centenaires de ce qui fut un des champs de bataille les plus meurtriers du front d’Alsace.
Mais alors, pourquoi traduit-on Vieil Armand par Hartmannswillerkopf ?
Le site domine plusieurs villages de la plaine dont celui de Hartmannswiller. Kopf signifie « Tête ». C’est donc la montagne protectrice du village. Quand les soldats français (ne parlant ni l’alsacien ni l’allemand) arrivèrent sur le front, ils rebaptisèrent la montagne « Vieil Armand ». C’est ce qu’on appelle une déformation phonologique ! Plus tragiquement, les Poilus surnommèrent également le Hartmannswillerkopf « mangeuse d’hommes » ou « montagne de la Mort ».
Du Vieil Armand, la route poursuit sa descente dans la forêt, quittant définitivement la ligne de crêtes des Vosges. Après plusieurs épingles à cheveux, la vue sur les vergers annonce le « retour à la civilisation », à Uffholtz.
Uffholtz (310 m) et Cernay (300 m)
La Route des crêtes atteint donc Uffholtz, village viticole récompensé pour son fleurissement. Le village ayant souffert de la Grande guerre, on ne sera pas étonné de n’y trouver que peu de vieilles maisons.
C’est ici que la Route des crêtes rejoint la Route des vins. Uffholtz est officiellement le point d’arrivée (ou de départ !) de la Route des crêtes. Mais continuons le voyage jusqu’à Thann pour le plaisir !
De Uffholtz on rejoint l’agglomération de Cernay. Une petite ville qui, de même, n’abrite que peu de monuments historiques, si ce n’est la belle porte de Thann.
Cette ancienne porte fortifiée datant du Moyen Age abrite aujourd’hui un musée d’histoire locale. Toutefois, c’est dans les environs qu’en septembre 58 av. J.-C. que Jules César et son armée vainquirent Arioviste, le chef des Germains, lors d’une bataille mémorable impliquant 100 000 soldats ! Plus tard, Cernay fit partie du comté de Ferrette et devint autrichienne en 1324. La ville fortifiée fut annexée par la France en 1648.
De Cernay à Thann, la D35 longe le fameux coteau du Rangen. Le raisin produit le célèbre Alsace Grand Cru Rangen, un des 51 grands crus du vignoble d’Alsace.
Thann (340 m)
La ville historique de Thann mérite une halte. Vous découvrirez un des plus beaux exemples d’art gothique religieux en Alsace : la collégiale Saint-Thiébaut. Un dicton local affirme que « le clocher de Strasbourg est le plus haut, celui de Fribourg-en-Brisgau, le plus gros, celui de Thann est le plus beau« .
D’autres monuments historiques sont à découvrir dans la petite ville dont la tour des Sorcières se reflétant dans les eaux de la Thur, la jolie fontaine Saint-Thiébaut et le château de l’Engelbourg. Lors de son démantèlement sur ordre de Louis XIV en février 1673, un tronçon du donjon retomba curieusement sur le côté. Cette forme étrange lui vaut encore aujourd’hui le surnom d’« œil de la sorcière ».
La Route Joffre
Si vous avez encore un peu de temps une fois arrivé à Thann, vous pouvez continuer la route sur les hauteurs (RD 14 bis IV). La Route Joffre est la « petite sœur » de la Route des crêtes. Elle relie Thann (vallée de la Tour) à Masevaux (vallée de la Doller) par le col du Hundsruck (748 m).
Longue de 15 km, la Route Joffre fut tracée à l’initiative du commandant en chef des armées, le général Joffre, durant l’hiver 1914-1915. Elle permettait d’assurer les communications entre les vallées de la Doller et de la Thur.
Elle fut utilisée pendant l’hiver 1944-1945 par les troupes françaises comme voie d’accès pour attaquer Thann par le nord.
Le col du Hundsruck est une étape essentielle pour accéder au massif du Rossberg à pied. Mais sans aller si loin, vous découvrirez une belle vue sur le Sundgau et, fermant l’horizon, le Jura. En redescendant sur l’autre versant, vous traverserez le paisible village de Bourbach-le-Haut avant d’atteindre Masevaux.
Et au-delà… le Ballon d’Alsace
Tant que vous y êtes, vous pouvez encore pousser jusqu’au Ballon d’Alsace. De Masevaux, la route est belle en remontant la vallée de la Doller. Vous passerez à côté des lacs de Sewen et d’Alfeld avant de négocier les virages à épingles jusqu’au sommet.
Le Ballon d’Alsace (1247 m) est l’un des rares sommets des Vosges qui ne soit pas traversé par la Route des crêtes. On le confond souvent avec le Grand Ballon, croyant à tort qu’il s’agit du plus haut sommet vosgien. La vue du sommet est, elle aussi, époustouflante. Par beau temps, le panorama s’étend du plateau lorrain au Jura et, par temps clair, la chaîne des Alpes, du mont Blanc aux premiers sommets autrichiens en passant par les Alpes bernoises !
Quelques conseils de visite
Voici quelques petits conseils de visite que vous ne trouverez pas sur l’article de wikipedia dédié à la Route des Crêtes 🙂
Quel est le meilleur moment de l’année pour sillonner la Route des crêtes ?
En hiver, ne cherchez pas à la parcourir en voiture. En effet, les Conseils Départementaux des Vosges et du Haut-Rhin ferment la Route des crêtes à la circulation routière en période hivernale (généralement de mi-novembre à mi-mars). Des panneaux routiers avertissent qu’en cas de non respect de l’arrêté départemental, votre responsabilité est engagée. D’ailleurs, certains tronçons de la Route se transforment en pistes de ski de fond.
En toutes saisons, reportez (si vous le pouvez) votre ascension en cas de pluie ou de brouillard. A moins que vous n’aimiez l’atmosphère mystique façonnée par une météo capricieuse. Je l’ai fait et ça donne ça :
Quel est le meilleur moment de la journée pour suivre la ligne des crêtes ?
Si, comme moi, vous appréciez les belles vues et aimez les prendre en photos, je vous conseille de parcourir la Route des crêtes en après-midi. Le paysage le plus impressionnant se trouve dans le versant alsacien (désolé pour la Lorraine !). La vue splendide donne sur le massif vosgien, la plaine d’Alsace, l’horizon de la Forêt-Noire en Allemagne, les villes de Colmar, Mulhouse et Bâle, les collines du Sundgau cernées par la ligne du Jura… sans oublier les pics des Alpes suisses. Tout ce joli cadre se situant à l’Est, c’est en après-midi, quand le soleil poursuit sa course à l’Ouest, que vous pourrez en apprécier les détails sans contre-jour.
Bon, soyons justes. Si vous souhaitez aussi découvrir le versant lorrain sans contrejour, sillonnez la Route le matin pour éviter le contre-jour.
D’ailleurs, vous pouvez toujours effectuer un aller-retour sur la Route des crêtes du matin jusqu’au soir. Vous aurez ainsi l’occasion de découvrir les deux versants sans contre-jour…
Quand et où apercevoir les Alpes à partir des Vosges ?
Pour bénéficier de vues sur les Alpes, mieux vaut attendre des conditions météorologiques favorables. C’est rarement le cas pendant les chaudes journées d’été. Le mont Blanc est un des sommets alpins les plus éloignés des Vosges, cependant, il peut être aperçu depuis plusieurs endroits. Sur la photo suivante prise du Grand Ballon, le voici émergeant de la brume fin décembre :
Pour connaître les emplacements exacts d’où vous pourrez apercevoir le toit de l’Europe, voici un site vraiment génial qui recense en parties claires les zones de visibilité du mont Blanc !
Où se restaurer pendant le parcours ?
La Route des crêtes offre de nombreux points de restauration. Du restaurant classique à la ferme-auberge plus typique. Cette dernière vous proposera un repas marcaire et si vous visitez la région, je vous conseille cette alternative au restaurant.
Le repas marcaire est composé d’un potage ou d’une tourte de viande de porc fumée servie avec des pommes de terre en lamelles cuites dans du beurre fermier avec des oignons et du lard (les roïgabrageldi). Le fromage ? Du munster bien évidemment. Quant au dessert, il s’agit souvent de fromage blanc fermier arrosé au kirsch (le siaskas ou siesskas) ou une part de tarte aux myrtilles.
Voici le site web de l’association des fermes-auberges du Haut-Rhin pour trouver une adresse le long de votre parcours.
Cyclistes et motards : soyez vigilants !
Sans surprise, les motards et les cyclistes apprécient particulièrement le tracé tortueux de la Route des crêtes. Ses montées et ses descentes en font une route légendaire ! Ils viennent de France, d’Allemagne et de Suisse pour emprunter l’itinéraire touristique, surtout pendant le weekend.
Si la vitesse autorisée est limitée à 70 km/h pour les véhicules motorisés, restez vigilants et attentifs… et pour profiter des vues panoramiques, n’hésitez pas à vous arrêter aux nombreux bas-côtés de la route aménagés pour votre sécurité.
Pour en savoir plus sur la Route des Crêtes des Vosges
Il existe plusieurs sites internet à découvrir sur le munster et les Vosges :
- L’Office de Tourisme de la Vallée de Munster.
- L’Office de Tourisme de la Gérardmer.
- Le site du Massif des Vosges.
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Cet article a été rédigé dans le cadre du rendez-vous #EnFranceAussi. Il s’agit d’une belle initiative lancée par Sylvie du blog Le coin des Voyageurs qui permet à nos lecteurs de (re)découvrir notre belle France. Pour ce mois, Alexis du blog Le petit explorateur propose aux blogueurs participants de composer autour du thème « frontières« .
Je crois que je préfère cette alternative à la route des vins! Les vues sont superbes. Je pensais plutôt à un pique-nique mais le repas marcaire me tente bien aussi!
Oh oui un pique-nique c’est parfait sur les hauteurs… mais le repas marcaire est une bonne idée surtout après une bonne marche 🙂
Cette route des Crêtes, des Vosges, me rappelle de bons souvenirs, mais cela fait si longtemps, maintenant, que tes photos me donnent vraiment envie d’y retourner. Toutes ces explications nous seront d’une grande utilité lors d’un futur voyage en Alsace. Merci et à très bientôt.
Merci Martine ! En fait, en écrivant cet article, ça m’a donné envie d’y retourner aussi ! 🙂
J’avais parcouru une petite partie de cette route il y a quelques années, les paysages m’avaient charmée. Merci pour cet article très complet !
Merci Caro pour ton gentil commentaire. Ces paysages sont effectivement magnifiques… et pour celles et ceux qui, comme moi, adorent les panoramas, on est bien servi !!
Quelle route ! Je ne connaissais pas du tout cette route des crêtes mais ton article me donne vraiment envie de la sillonner à mon tour. Et cette vue sur les Alpes depuis le Grand Ballon, c’est juste magique. Merci pour ta participation au thème du mois 🙂
Merci Alexis, j’ai participé avec beaucoup de plaisir à ce thème ! Et la vue sur les Alpes, c’est un de mes panoramas préférés (mais elle n’est pas toujours visible, ce qui fait son enchantement !).
oups je ne savais pas que ça montait autant dans ce coin
merci du partage
Eh oui, les Vosges sont peut-être un « bas massif » par rapport aux Alpes et aux Pyrénées, elles n’en demeurent pas moins des montagnes – et c’est surtout le dénivelé entre la plaine d’Alsace (200-300 m) et les plus hauts sommets (1000-1400 m) qui accentue le relief. Heureusement les sommets sont arrondis, d’où le joli nom de « ballons » qu’on leur prête !
Depuis nos vacances de l’été dernier à Munster, cette fameuse route des Crêtes me parle maintenant ! Nous avons la chance d’avoir eu un super propriétaire (de notre maison de location) qui nous a proposé une rando du côté du Hohneck. Il nous a expliqué plein de choses sur les bornes et toute cette partie de l’histoire de France qu’il connaissait sur le bout des doigts, en tant que passionné… C’était super ! Je me souviens aussi de toutes nos autres magnifiques randos dans la région du côté du col de la Schlucht, du lac Blanc, du lac des Truites, du gazon du Faing etc… Merci pour tous ces jolis souvenirs qui remontent à la surface !
Merci beaucoup Sylvie pour ton gentil commentaire. Je suis trop heureux de faire ressurgir ces beaux souvenirs ! C’est vrai qu’il est vraiment mieux de parcourir la Route des Crêtes à pied, surtout de la Schlucht au Molkenrain (ma partie préférée !). On profite mieux des superbes panoramas tout en ne forçant pas trop au niveau des dénivelés 🙂
Que c’est beau. Pierre ton blog est une merveille. Tu nous donnes vraiment envie de découvrir ta belle région.
J’y pense, participes tu au partage de photos sur Twitter ? #MaPhotoEnFranceAussi
Tes clichés sont magnifiques, faut les partager.
Oh merci Sabrina !! Oui, j’ai vu ça passer (#maphotoenfranceaussi) très brièvement… je vais voir ça de plus près 😉 A bientôt !!!
bonjour, bravos pour vos article et votre blog en general. je souhaite faire la route des crêtes en août en campingcar. pourriez vous me dire si toute la route est practicable en camping car?
merci
Merci beaucoup Jean-Marie ! Oui, la route des crêtes est praticable en camping-car pendant l’été, même si le dénivelé est parfois important (surtout dans les montées pour atteindre la crête).