La fête de la Saint-Jean célèbre la naissance de saint Jean-Baptiste, le cousin de Jésus qui le baptisa dans le Jourdain. L’Eglise lui a donné le jour du 24 juin qui se situe au moment du solstice d’été. La date est l’occasion de grandes fêtes populaires, dont certaines sont toujours célébrées, notamment dans l’Est.
Les origines de la Fête de la Saint-Jean
L’Eglise a placé la fête de la nativité de saint Jean Baptiste au 24 juin.
Avant de parler de cette date hautement symbolique, découvrons qui était Jean Baptiste.
Le cousin de Jésus-Christ
On retrouve la trace de Jean Baptiste (ou Jean le Baptiste) dans la Bible.
On sait qu’il était le fils de Zacharie, prêtre juif au Temple de Jérusalem, et d’Elisabeth, parente de Marie, future mère de Jésus.
D’après l’Evangile de Matthieu (chap. 3, verset 4), Jean Baptiste a mené une vie d’ermite dans le désert. Vêtu d’une « tunique en poil de chameau« , il se nourrissait de « sauterelles et de miel sauvage » et pratiquait le jeûne. Puis, il s’installa sur les rives du Jourdain où il pratiquait le « baptême de repentance », c’est-à-dire le baptême par immersion dans l’eau.
Le roi Hérode l’arrêta après que Jean Baptiste ait dénoncé l’adultère entre le roi et sa belle-sœur, Hérodiade. C’est ainsi qu’il mourut décapité, selon les vœux de Salomé, fille d’Hérodiade.
Pourquoi la date du 24 juin ?
Curieusement, Jean Baptiste est le seul saint dont on fête le jour de sa naissance (avec Jésus-Christ et Marie).
On ne connait pas la date de sa naissance, mais la tradition la situe 6 mois avant celle de son cousin, Jésus-Christ.
Lorsque l’Eglise fixa la date de la naissance de Jésus au 25 décembre (autour du solstice d’hiver), elle prit soin d’en faire de même pour Jean Baptiste, 6 mois avant, au 24 juin.
La Saint Jean (24 juin – solstice d’été) était devenue le pendant de Noël (25 décembre – solstice d’hiver)
Par ailleurs, cette date du 24 juin présentait un certain avantage…
Comme pour Noël, il fallait christianiser une tradition païenne ancestrale qui célébrait la course du Soleil.
La fête du solstice d’été et le culte du Soleil
On célèbre le solstice d’été – le jour le plus long de l’année – depuis la nuit de temps, en lien avec le culte du soleil.
Dans toute l’Europe, ces célébrations se déroulaient autour de feux de solstices.
On leur attribuait un sens magique et protecteur, alors que cette nuit “sacrée” était réputée propice à la sortie des êtres surnaturels et maléfiques (démons, sorcières, etc).
- La lumière du feu symbolisait le Soleil
- La fumée avaient des vertus purifiantes.
Un grand nombre de superstitions
Et bien sûr, la fête de la Saint-Jean était propice à toutes sortes de superstitions…
Un écrit daté de 1544 décrit ainsi les superstitions païennes liées aux feux solsticiaux païens :
“Ils étaient allumés aux points de croisement des chemins, dans les champs, pour empêcher que les sorcières et envoûteuses n’y passent pendant cette nuit ; on y brûlait parfois les herbes cueillies le jour de la Saint-Jean, contre la foudre, le tonnerre, les orages et l’on pensait écarter par ces fumigations les démons et les tumultes”.
Des feux de joie rassemblaient toute la population du village autour d’un bûcher cérémoniel :
- Une fois que le feu baissait en intensité, les jeunes couples l’enjambaient pour garantir la fécondité (ou la promesse de mariage dans l’année). D’autres villageois le franchissaient également pour être préservés des maladies.
- La hauteur du saut était proportionnelle à la quantité des récoltes qu’un paysan pouvait espérer.
- Dans certaines campagnes, on promenait le bétail dans la fumée épaisse (que l’on stimulait en ajoutant du bois vert ou des herbes). On donnait à ces fumigations un pouvoir protecteur.
- Comme au réveillon du Nouvel An, on y jetait des pétards pour que le vacarme éloigne les mauvais esprits.
- Parfois, des animaux mal-aimés y étaient brûlés vivants : chats noirs, couleuvres, crapauds, rats… en fait, ceux liés à la sorcellerie !
- Le lendemain matin, on répandait les cendres dans les champs (pour espérer les rendre fertiles).
Sacrilège !
On peut se douter que la fête du solstice et ses feux de joie n’étaient pas du goût de l’église catholique !
En effet, dès le Haut Moyen-âge, l’église catholique (sous l’accord des empereurs et des rois) a tenté d’interdire la pratique des feux de solstice ainsi que les rites païens qui lui étaient associés.
Au milieu du 7e siècle, le bon saint Eloi les condamnait ouvertement :
“Que nul, à la fête de saint-Jean ou dans des solennités quelconques, ne célèbre les solstices et ne se livre à des danses tournantes ou sautantes, ou à des caroles [danse ancienne], ou à des chants diaboliques”
Mais, devant la pratique païenne tenace, l’Eglise choisit une autre stratégie, déjà testée pour la fête de Noël : christianiser autant que possible la fête du solstice d’été.
Ainsi, la date du 24 juin fut attribuée à saint Jean Baptiste.
Cependant, l’Eglise continua à condamner, plus ou moins ouvertement, les feux de joie d’origine païenne.
En 1704, dans le Catéchisme de Meaux, Bossuet (1627-1704) dénonça les superstitions des feux de joie de la Saint-Jean en les décrivant ainsi :
“Danser à l’entour du feu, jouer, faire des festins, chanter des chansons déshonnêtes, jeter des herbes par-dessus le feu, en cueillir avant midi ou à jeun , en porter sur soi, les conserver le long de l’année, garder des tisons ou des charbons du feu, et autres semblables.”
Ceci dit, dans certains diocèses, le clergé s’est montré plus tolérant qu’ailleurs… notamment en bénissant le bûcher avant l’allumage.
Les feux de joie de la Saint Jean de nos jours
Dans certaines campagnes de nos régions du nord-est, les feux de joie de la Saint Jean n’ont pas disparu.
Ils font l’objet de manifestations publiques populaires qui rassemblent les villageois autour d’un bûcher cérémoniel.
Je n’ai personnellement jamais participé à l’embrasement d’un bûcher, mais je me souviens avoir observé les structures pyramidales lors de balades dans les vallées vosgiennes de la Thur et de la Doller.
Dès la fin de l’hiver, on voit pousser ces étranges tours en bois sur des éminences au-dessus des villages.
La coutume veut qu’on allume les bûchers la nuit, la veille (ou le soir) de la Saint-Jean.
[à noter : la crise pandémique liée au COVID-19 a entraîné l’annulation de nombreuses manifestations en 2020 et 2021.]
Partons à la découverte de ces traditions ancestrales en Alsace-Lorraine…
La Johànisfirla à Soultzbach-les-Bains
A Soultzbach-les-Bains, les festivités de la Saint-Jean ont gardé leur fonction sociale d’antan. La manifestation populaire est organisée par l’amicale des sapeurs-pompiers. La fête de la Johànisfirla inclut un défilé pendant lequel les conscrits (jeunes garçons) défilent aux côtés des pompiers et de la fanfare, en portant fièrement le drapeau français.
Dans ce village de la vallée de Munster, les habitants ont perduré la tradition ancestrale du franchissement du feu. Ainsi, chaque année, les conscrits doivent prouver leur courage en enjambant le feu ! La fête s’achève par un feu d’artifice.
Les fackels de la vallée de la Thur
Dans cette partie de la vallée de la Thur, que l’on appelle vallée de Saint-Amarin, les traditions de la Saint Jean ont été sauvées de l’oubli.
Autrefois, le signal de l’embrasement des bûchers de la vallée partait du bûcher de Mollau. Si cette tradition s’est perdue, ce n’est pas le cas des fackels.
Un fackel est le nom que l’on donne en Alsace à un bûcher en bois de forme pyramidale et haut d’une dizaine de mètres (et jusqu’à 20 m à Kruth !). Le bûcher est souvent couronné de branches de sapins et surmonté du drapeau tricolore.
La construction d’un fackel est une tâche complexe qui demande du temps, un savoir-faire et de l’investissement personnel. Dans la Vallée de Saint-Amarin, elle implique souvent les conscrits qui travaillent à l’édification du bûcher pendant un mois et demi, voire deux mois.
En réalité, on construit deux fackels :
- Un petit qui sera allumé pour annoncer le début de la fête.
- Et le plus grand qui s’embrasera à la tombée de la nuit.
La fête de la Saint-Jean se termine par des feux d’artifices et des animations musicales et dansantes.
► Découvrez la vallée de Saint-Amarin sur le site de Hautes-Vosges Alsace
La chavande des Vosges lorraines
Dans le versant lorrain des Vosges, des constructions en bois similaires au fackel poussent sur les hauteurs des villages. Elles prennent ici le nom de chavandes.
Les feux des Trois Provinces
Ce sont les feux de la Saint Jean les plus hauts des Vosges ! Et pour cause, ils sont allumés au sommet du Ballon d’Alsace, à 1247 m d’altitude.
Un millier de personnes se rassemblent chaque année sur les hauteurs pour participer à l’événement dont la tradition remonte à 1992.
Le Ballon d’Alsace est une montagne mythique car elle marque la frontière entre trois provinces : l’Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté.
Ainsi, la fête véhicule un caractère fédératif pour les habitants des trois régions historiques qui se partagent le massif du Ballon d’Alsace.
Les feux de la Saint Jean dans le Territoire-de-Belfort
Plusieurs communes du Territoire-de-Belfort organisent des feux de la Saint Jean à la manière de ceux d’Alsace. Ceci n’est pas étonnant car, historiquement et culturellement, ce petit département faisait partie de l’Alsace (jusqu’en 1871).
Le feu de la Saint-Jean à Montreux-Château (commune francophone du Sundgau belfortain) :
A Bavilliers, un cracheur de feu allume… le feu !
Avant de faire une démonstration…
A Belfort, le feu de la Saint-Jean a lieu à la Miotte :
La roue de la Saint-Jean de Sierck-les-Bains
Dans le Pays de Sierck, aux confins de la Lorraine, la Fête de la Saint-Jean est l’occasion de grandes réjouissances pendant deux jours.
Le traditionnel défilé de chars rencontre un vif succès auprès de la population. Une vingtaine de chars paradent sur le Quai des Ducs et dans le centre de la cité médiévale. Les habitants participants à l’événement les décorent en fonction d’un thème différent chaque année.
Le moment fort de la célébration est la descente de la roue enflammée sur les pentes du Stromberg à Contz-les-Bains.
La roue artisanale mesure environ 2 mètres de diamètre et pèse environ 250 kg (il faut vingt bras forts pour la porter !). On la comble de sarments de vigne et de paille permettant un embrasement spectaculaire.
Mais pour éviter qu’elle ne flambe trop vite, elle est mise à l’eau dans la Moselle pendant un mois.
Lancée sur les pentes de la colline, la roue de feu est censée terminer sa course dans la Moselle. Si c’est le cas, les récoltes devraient être exceptionnelles cette année…
La tradition de la roue enflammée évoque une très vieille tradition. La roue qui dévale ainsi la pente n’est pas sans rappeler la course sans fin du soleil.
Enfin, le lendemain, la cité organise une randonnée “autour des vignes et de la roue de la Saint-Jean” longue de 6,5 km. Elle permet d’admirer le site pittoresque du Val sierckois qu’arrose la Moselle et le charmant village de Contz-les-Bains (maisons de vignerons, pressoirs, entrées de caves…).
► Site officiel des festivités de Sierck-les-Bains
Dans la région de Metz
Petit reportage vidéo de la mairie de Maizières-les-Metz qui donne un aperçu de la Fête de la Saint-Jean en Moselle :
Ailleurs en France ?
La fête se célèbre aussi au-delà de l’Alsace-Lorraine, et notamment au Québec. Un lecteur du blog m’a récemment envoyé une photo de la fête de la Saint-Jean à Pradinas dans l’Aveyron.
Pour en savoir plus sur la Fête de la Saint-Jean
Sites de référence
- Les grandes fêtes en Alsace-Lorraine
- L’article de Wikipedia sur la Fête de la Saint-Jean
Le Rendez-Vous #EnFranceAussi
Pour ce rendez-vous de l’événement #EnFranceAussi, le thème choisi par Mali’ du blog Un pied dans les nuages est « Feu ». Vous ne connaissez pas #EnFranceAussi ? Il s’agit d’un RV interblogueurs, initié par Sylvie du blog Le coin des Voyageurs, qui a pour objet de (re)-découvrir les beautés de la France.
Découvrez les articles de ma participation à l’événement interblogueurs #EnFranceAussi. Cliquez sur le lien ici pour les lire !
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Une épingle pour Pinterest
J’adore les fackels, je ne connaissais pas ! La St-Jean est encore bien présente en Europe de l’Est également ! 🙂
Ah ? Je ne savais pas, je vais aller voir ça de plus près…
Merci Anne ! 👋
c’est vrai que c’est une tradition qui s’est beaucoup perdue ! merci pour ce rappel !
Avec plaisir ! 👋
De mémoire, dans les balkans, mais peut-être en Europe centrale également … 🙂
J’avais déjà entendu parler des Feux de la Saint-Jean mais n’en connaissais absolument pas l’histoire. Merci pour cet article bien documenté, où l’on voit que la tradition prend diverses formes. En tout cas la fête a l’air encore bien vivace dans l’est !
Avec plaisir, merci Delphine !
Il me tarde de pouvoir à nouveau sauter au-dessus du feu!
En espérant que nous ne serons plus confinés d’ici là 😉
Wouah quelle explosion de feu dans cet article !! Je découvre les fackels de la vallée de la Thur et j’adore, je les trouve hyper esthétiques.
Oui, certains sont si beaux qu’on n’a presque pas envie d’y mettre le feu… comme une belle pâtisserie qu’on n’ose manger ! 😃
C’est bien que cette tradition d’allumer des feux spectaculaires perdure dans la plupart des régions de France. Etonnantes ces fêtes de la Saint Jean en Alsace ! Un bel hommage pour saluer le retour du Soleil et obtenir de riches moissons.
Merci Martine ! Ce sont en effet des traditions tenaces en Alsace, surtout dans les Vosges !!
Bonjour,
Merci pour ce rappel des traditions historiques des feu de la Saint-Jean en Alsace .
En Aveyron aussi, j’ai assisté à un feu de la Saint-Jean, dans le village de Pradinas.
Je suppose que c’est une tradition Européenne et pas qu’alsacienne. Un reportage vu hier sur la chaine ARTE
présentait les préparatifs et les festivités traditionnelles du solstice d’été en Lettonie.
Qu’en est’il des autres continents ??? Je suppose que les Mayas et autres civilisations antiques qui avaient comme Dieu le Soleil devaient fêter ce jour.
Pour l’Aveyron, J’ai des photos, mais comment les joindre ???
Paul
Je suis Québécoise. St-Jean-Baptiste est le patron du Québec. Alors, le 24 juin nous fêtons la St-Jean qui est aussi la Journée Nationale du Québec. C’est un jour férié. Donc, à compter du 23 juin, ce sont des réjouissances un peu partout dans les villes du Québec: parades, spectacles, feux d’artifices et surtout, feux de joie. Mais, pandémie oblige, cette année tout comme l’an dernier, ce sera des festivités virtuelles…
Pour nous, au Québec, le 24 juin est notre fête nationale. Plusieurs activités, Fêtes de quartier, spectacles, ont lieu durant cette journée ou la veille. C’est une fête chômée.