Avez-vous déjà vu le blason de la ville d’Ensisheim en Alsace ?
Il ne vous rappelle rien ?
Si, le drapeau de l’Autriche !
Mais alors, comment se fait-il que cette petite bourgade située entre Mulhouse et Colmar, partage le blason d’un pays qui n’est même pas limitrophe de la France ?
En fait, la réponse est toute simple… il faut remonter le temps. Au 15e siècle.
Et par la même occasion, apprendre une histoire qui n’est pas celle de France, mais l’Histoire de l’Autriche !
Ensisheim et l’Histoire autrichienne
L’existence d’Ensisheim est attestée dès le 8e siècle. En 765, sous le nom Enghisehaim dans des donations de terrains.
Aux 10e et 11e siècles, une famille de la noblesse locale étendit son influence par l’acquisition de propriétés en Haute-Alsace. Cette famille s’établit à Ottmarsheim (site de l’église octogonale inaugurée en 1048) et dans les environs de Landser et Ensisheim.
Puis, la dynastie construisit des châteaux en Suisse actuelle : l’Altenbourg et, surtout, sur les hauteurs de Brugg, le château des éperviers ou Habichtsburg. La famille prit le nom de ce dernier château : ce sont les Habsbourg.
Le puissant Rodolphe de Habsbourg
A partir de 1135, les Habsbourg se succédèrent comme Landgraves du Sundgau (nom donné à la Haute-Alsace, le pays du Sud). Le plus célèbre d’entre eux, Rodolphe, réussit l’exploit d’être élu empereur du Saint-Empire romain germanique. C’était la première fois que les Habsbourg accédaient à cette fonction prestigieuse.
Rodolphe de Habsbourg fit construire à Ensisheim un puissant château-fort : le Kœnigsbourg. Il fut le siège du Langvogt du Sundgau, son bailli, ainsi que sa résidence lors de ses visites dans ses territoires alsaciens.
Son château à Ensisheim n’existe plus aujourd’hui. Il fut démoli en 1682 et il n’en reste que peu de vestiges dans le parc de l’Hôpital (restes des fondations et une partie des fossés).
Rodolphe érigea Ensisheim au rang de ville qui fut fortifiée.
L’empereur romain germanique mourut à Spire le 15 juillet 1291. Son tombeau se trouve aujourd’hui dans la crypte de la cathédrale de Spire, en Allemagne.
Ensisheim-Capitale !
A partir de 1363, la ville devint la capitale des territoires habsbourgeois d’Alsace, du Brisgau et de la Forêt-Noire.
Puis en 1523, les Habsbourg la choisirent pour être le siège de l’Autriche antérieure.
Vous rappelez-vous du fameux blason de la ville ? En 1558, l’empereur Ferdinand octroya à Ensisheim un blason présentant un tiercé en fasce d’argent entre deux gueules (couleur rubis). Oui, le fameux blason qui reprend les couleurs des Habsbourg d’Autriche !
Vous pouvez d’ailleurs retrouver ce blason sur les plaques de rues bilingues d’Ensisheim :
En 1584, la ville reçut le droit de battre monnaie. La frappe fonctionna jusqu’en 1632.
Ensisheim connut son apogée au début du 17e siècle… mais la guerre de Trente Ans allait ruiner tout espoir de prospérité.
Le déclin d’Ensisheim
Les Traités de Westphalie, signés le 24 octobre 1648, consacrèrent la perte définitive des possessions alsaciennes par les Habsbourg. Tous leurs territoires ancestraux revinrent au royaume de France qui, dès lors, étendit ses frontières à la rive gauche du Rhin.
Le siège du gouvernement de l’Autriche antérieure fut transféré de l’autre côté du Rhin, à Fribourg-en-Brisgau.
En 1681, Louis XIV passa quelques jours à Ensisheim lors de son voyage en Alsace. En 1697, le roi de France confirma à la ville ses armoiries… autrichiennes !
A partir du 18e siècle, Ensisheim perdit définitivement son influence en Haute-Alsace au profit de Colmar et Mulhouse.
Qu’est-ce que l’Autriche antérieure ?
L’Autriche antérieure (en allemand Vorderösterreich) ou Avant-pays autrichien était un territoire que la dynastie des Habsbourg possédait jusqu’au 18e siècle.
Cette région s’étendait du col de l’Arlberg (aujourd’hui en Autriche) à Belfort, en passant par le lac de Constance, la Forêt-Noire et une grande partie de la Suisse alémanique.
Au 15e siècle, les Habsbourg perdirent le nord de la Suisse (souvenez-vous de la légende de Guillaume Tell !)
Puis, les accords signés à Münster en Westphalie le 24 octobre 1648 confisquèrent toutes leurs possessions héréditaires des Habsbourg en Alsace au profit du royaume de France.
Avec la restructuration des pays allemands voulue par Napoléon, l’Autriche antérieure disparut une fois pour toute. Au traité de Presbourg en 1805, on partagea les territoires rhénans des Habsbourg entre le grand-duché de Bade, le royaume de Bavière et le royaume de Wurtemberg.
Deux monuments à voir à Ensisheim
La ville n’a malheureusement pas conservé grand-chose de son passé glorieux. Les guerres du 17e siècle puis les destructions du 18e siècle ont transformé de façon durable la physionomie de l’ancienne capitale de l’Autriche antérieur. Plus de château ni de remparts. Heureusement, quelques vestiges ont résisté aux aléas du temps. Découvrons-en deux : le Palais de la Régence et l’Auberge de la Couronne.
Le Palais de la Régence
Le monument incontournable d’Ensisheim est le Palais de la Régence. Construit entre 1535 et 1547, il s’agit d’un bâtiment remarquable mêlant les styles gothique et Renaissance.
Le rez-de-chaussée comprend une vaste salle voûtée à arcades.
Remarquez les détails qui ornent l’entrée du palais.
L’édifice à deux étages abrite une grande salle de style Renaissance.
Le Palais de la Régence accueille aujourd’hui le musée de la Régence qui rassemble plusieurs collections (un espace archéologique, un espace néolithique et un espace consacré à l’histoire minière).
L’Auberge de la Couronne
En face de l’Hôtel de la Régence, se dresse l’Auberge de la Couronne, reconnaissable à deux pignons à volutes et le joli oriel à deux étages.
Construit en 1609-1610, le bâtiment abritait les officiers de la Maison d’Autriche en poste à Ensisheim. Le 5 janvier 1675, la veille de la bataille de Turckheim, on raconte que le Maréchal Henri de Turenne y logea.
L’édifice de la Renaissance abrite aujourd’hui un hôtel 4 étoiles dans lequel j’ai eu le privilège de séjourner. Les chambres spacieuses de l’établissement allient le charme de l’ancien au confort moderne.
L’Hôtel La Couronne**** abrite également un restaurant réputé pour sa cuisine authentique, raffinée, avec d’excellents produits du marché. Quant au sommelier, il veille sur une exceptionnelle cave à vins.
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La fontaine Rodolphe de Habsbourg
Sur la place de l’église Saint-Martin, la jolie fontaine est dédiée à Rodolphe de Habsbourg (1218-1291), en allemand Rudolf von Habsburg.
Fils aîné du comte de Habsbourg, Albert IV le Sage, Rodolphe fut le premier membre de la maison de Habsbourg à monter sur le trône impérial. Durant son règne, il a étendu les possessions des Habsbourg à l’Autriche. C’est pourquoi on le considère comme le fondateur de la puissance de la dynastie.
La fontaine date de 1900 lorsque l’Alsace faisait partie de l’empire allemand (1871-1918). Elle est particulièrement ornée : quatre heaumes contemplent le bassin sous un portrait de Rodolphe en médaillon (remarquez qu’il n’a plus de nez, comme le Sphinx !).
Puis, une colonne soutient la couronne impériale des Habsbourg posée sur un coussin de pierre.
A découvrir aux alentours
Ensisheim est idéalement située entre deux grandes villes d’Alsace : Colmar et Mulhouse.
Colmar est une destination de charme avec son vieux centre : la rue des marchands et la Maison Pfister, la Petite-Venise alsacienne, l’édifice de l’Ancienne Douane (Koifus) et la collégiale Saint-Martin. La ville natale de Bartholdi, sculpteur de la statue de la Liberté et du Lion de Belfort, abrite également le riche musée Unterlinden.
Mulhouse est la capitale européenne des musées techniques : la Cité du Train, la Cité de l’Auto, Electropolis, le musée des impressions sur étoffes, le musée du papier-peint… sans oublier le parc botanique et zoologique.
A proximité d’Ensisheim se trouve un de mes sites préférés en Alsace : l’Ecomusée d’Alsace. Plus grand musée à ciel ouvert de France, il regroupe quelques 70 maisons anciennes provenant de toute l’Alsace. Lors de votre visite, vous remonterez le temps, au début du 20e siècle dans un village de l’Alsace rurale.
Autres sites à découvrir : le parc du Petit Prince, Guebwiller et Rouffach.
Pour en savoir plus
Sites de référence
- Le site de la ville d’Ensisheim
- La chute de la météorite d’Ensisheim en 1492 : un signe divin pour l’Autriche ?
- Sur les pas des Habsbourg à Thann
- Découverte du Sundgau
- Le site de l’Office de Tourisme et des Congrès de Mulhouse et sa région
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C’est superbe, je connais un peu l’Alsace, j’y ai fait mes études à Strasbourg, mais le passé d’Ensisheim m’était inconnu, Obernai, Colmar, Mulhouse et sa rue du Sauvage, Kaysersberg un peu plus. Jean Schoving
Merci Jean !