Ratification des Traités de Westphalie à Münster le 24 octobre 1648
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Pierre

DERNIÈRE MISE À JOUR : 10 octobre 2025

Les traités de Westphalie : la fin d’une guerre interminable

Au milieu du XVIIᵉ siècle, l’Europe est épuisée.

Depuis trente ans, le continent est ravagé par un conflit d’une ampleur inédite : la guerre de Trente Ans (1618–1648).

Ce qui avait commencé comme une querelle religieuse entre princes catholiques et protestants du Saint-Empire romain germanique s’est rapidement transformé en guerre politique, opposant les grandes puissances du temps : les Habsbourg d’Autriche et d’Espagne d’un côté, la France et la Suède de l’autre.

Les campagnes sont dévastées, les villages incendiés, les famines se multiplient.

Dans certaines régions d’Allemagne, la population est réduite de moitié.

Les combats n’ont plus rien de spirituel : c’est une guerre pour la survie des États.

En 1643, épuisées par trois décennies de violences, les puissances belligérantes acceptent enfin d’ouvrir des négociations.

Celles-ci aboutiront, cinq ans plus tard, à la signature des traités de Westphalie, un tournant majeur de l’histoire européenne.

Les négociations des traités de Westphalie à Münster et Osnabrück

Les pourparlers débutent en 1644 dans deux villes de Westphalie, au cœur de l’Allemagne actuelle :

  • Münster, ville catholique, accueille les délégations de la France et de l’Espagne ;
  • Osnabrück, ville protestante, héberge celles de la Suède et des princes protestants du Saint-Empire.

Cette séparation géographique symbolise encore la fracture religieuse du continent.

Entre ces deux cités distantes de 50 kilomètres, les négociateurs échangent sans cesse des lettres, transportées par des messagers à cheval.

Münster Historisches Rathaus. Photo © Dietmar Rabich - licence [CC BY-SA 4.0] from Wikimedia Commons

L'hôtel de ville historique de Münster. Photo © Dietmar Rabich - licence [CC BY-SA 4.0] from Wikimedia Commons

Les discussions dureront plus de quatre ans, ponctuées de querelles protocolaires, de désaccords sur les titres, et de débats sans fin sur le rang des ambassadeurs.

Malgré ces obstacles, cette rencontre marque un tournant : pour la première fois, les puissances européennes tentent de résoudre un conflit par la diplomatie multilatérale plutôt que par la force des armes.

Les traités de Westphalie inaugureront ainsi une nouvelle ère : celle de la diplomatie moderne.

Les traités de Westphalie : trois textes pour deux guerres

Le 24 octobre 1648, la paix est signée.

Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas d’un seul document : les traités de Westphalie forment un ensemble de plusieurs accords conclus simultanément.

Proclamation des Traités de Westphalie à Münster

Proclamation des Traités de Westphalie à Münster

1. Le traité de Münster (France–Empire)

  • Met fin à la guerre de Trente Ans entre la France et le Saint-Empire.
  • La France obtient plusieurs territoires stratégiques, notamment en Alsace.

2. Le traité d’Osnabrück (Suède–Empire)

  • Accorde à la Suède la Poméranie occidentale, Brême et Verden.
  • Elle devient une puissance incontournable en mer Baltique.

3. Le traité de Münster (Espagne–Provinces-Unies)

  • Met fin à la guerre de Quatre-Vingts Ans.
  • Reconnaît l’indépendance des Provinces-Unies (les Pays-Bas actuels).

Ces textes redessinent profondément la carte de l’Europe.

Ils marquent aussi la fin du rêve impérial des Habsbourg : le Saint-Empire romain germanique reste en place, mais affaibli, morcelé, sans autorité centrale forte.

Les grands principes issus des traités de Westphalie

Les traités de Westphalie ne sont pas qu’une série de compromis territoriaux : ils posent les fondements du système international moderne, souvent qualifié de « système westphalien ».

Les négociations des Traités de Westphalie

Les négociations des Traités de Westphalie

1. La souveraineté des États

Chaque prince ou nation devient maître de ses affaires intérieures, sans ingérence extérieure.

C’est une révolution dans un monde où l’empereur, le pape ou les alliances religieuses prétendaient encore intervenir dans les affaires d’autrui.

2. L’égalité entre les puissances

Qu’il s’agisse de la France ou d’un petit État allemand, chaque entité politique est reconnue comme juridiquement égale.

C’est la naissance du concept d’État-nation souverain.

3. La non-ingérence

Un pays ne peut plus invoquer la religion pour envahir ou imposer son autorité à un autre.

Ce principe, souvent violé par la suite, reste une référence pour le droit international.

4. La tolérance religieuse

Les traités confirment le principe du cujus regio, ejus religio (le prince choisit la religion de son État), mais garantissent aussi des droits aux minorités confessionnelles.

Catholiques, luthériens et calvinistes peuvent désormais coexister au sein du Saint-Empire sans persécution légale.

En somme, les traités de Westphalie ont permis de mettre fin aux guerres de religion et de fonder un ordre politique basé sur la coexistence et la diplomatie.

Cathédrale de Strasbourg © French Moments

Cathédrale de Strasbourg © French Moments

Les conséquences politiques des traités de Westphalie

Les traités de Westphalie bouleversent l’équilibre européen.

  • La France sort renforcée : elle obtient l’Alsace (partiellement), les évêchés de Metz, Toul et Verdun, et s’impose comme la première puissance du continent.
  • La Suède consolide son contrôle sur la Baltique.
  • Les Provinces-Unies deviennent un État indépendant et prospère.
  • L’Espagne perd de son influence et amorce un lent déclin.
  • Le Saint-Empire reste morcelé : plus de 300 États, principautés, évêchés et villes libres conservent une large autonomie.
  • La Suisse voit son indépendance officiellement reconnue.

L’Europe passe ainsi d’un rêve d’unité impériale à un concert d’États souverains — un modèle qui dominera les relations internationales jusqu’au XXᵉ siècle.

Europe post 1648 by Helio74100 - licence [CC BY-SA 4.0

L'Europe après 1648. Carte par Helio74100 - licence [CC BY-SA 4.0] via Wikimedia Commons

L’Alsace et les traités de Westphalie : un changement de destin

Parmi les nombreuses régions concernées par les traités de Westphalie, l’Alsace occupe une place particulière.

1. Avant 1648 : une mosaïque habsbourgeoise

Avant les traités, l’Alsace appartenait en grande partie aux Habsbourg d’Autriche.

Mais le territoire était loin d’être unifié :

  • le Sundgau (y compris Belfort et Ensisheim) formait le noyau autrichien au sud,
  • les dix villes de la Décapole (Colmar, Sélestat, Obernai, etc.) jouissaient d’une autonomie jalouse,
  • Strasbourg était une ville libre impériale, indépendante de toute domination extérieure.

Cette diversité reflétait la complexité du Saint-Empire : un patchwork politique, linguistique et religieux.

Le puzzle territorial de la région du Rhin supérieur, y compris l'Alsace.

2. 1648 : la France fait son entrée

Le traité de Münster attribue à la France les possessions autrichiennes en Haute-Alsace, ainsi que les droits de souveraineté sur plusieurs villes impériales.

Mais la situation reste floue : la France exerce son autorité, mais le droit impérial continue de s’appliquer.

On pourrait dire que l’Alsace devient française « en théorie », mais reste allemande « dans les faits ».

Cette ambiguïté, typique du droit de l’époque, permettra une transition sans heurts… mais lente.

De la paix de Westphalie à l’annexion de Strasbourg

Après 1648, les rois de France consolident progressivement leur emprise sur la région.

Sous Louis XIV, la politique des « réunions » vise à rattacher de façon définitive les territoires revendiqués.

  • 1673 : Colmar et Haguenau passent sous contrôle français.
  • 1679 (Traité de Nimègue) : la France obtient la confirmation de ses droits sur l’Alsace.
  • 1681 : Strasbourg, jusque-là ville libre du Saint-Empire, est annexée sans combat.
    Le roi entre solennellement dans la cathédrale, promettant de respecter les libertés locales.

Seule Mulhouse échappe à ce mouvement : elle reste une république indépendante, alliée à la Suisse, jusqu’à son rattachement volontaire à la France en 1798.

Ainsi, en moins d’un demi-siècle, l’Alsace passe d’une mosaïque impériale à une province française, tout en conservant son identité linguistique et religieuse.

Sundgau Carte Histoire © French Moments

Le Sundgau au cœur des possessions des Habsbourg en Alsace © French Moments

Héritage des traités de Westphalie en Alsace et en Europe

Les traités de Westphalie ont profondément marqué l’histoire de l’Europe.

Ils ont mis fin à plus d’un siècle de guerres religieuses et instauré un nouvel équilibre fondé sur la diplomatie, la négociation et la reconnaissance des États souverains.

Pour l’Alsace, cette paix marque le début d’une histoire franco-allemande unique :

  • française par la couronne,
  • germanique par la langue et la culture,
  • européenne par son rôle de trait d’union entre deux mondes.

Encore aujourd’hui, le « système westphalien » inspire le droit international moderne, tandis que l’Alsace incarne, à sa manière, l’esprit même de ce compromis : une coexistence entre identités, langues et héritages.

Ensisheim © French Moments

Le palais de la Régence à Ensisheim © French Moments

En conclusion

Les traités de Westphalie ne furent pas seulement la fin d’une guerre : ils furent le commencement d’une Europe nouvelle.

Une Europe fondée sur la diplomatie plutôt que sur la conquête, sur la souveraineté plutôt que sur la soumission.

Et pour l’Alsace, ils furent le point de départ d’une aventure singulière — celle d’une terre frontalière devenue symbole d’union et de paix.

A propos de l'auteur

Pierre a grandi en Alsace, en Lorraine et en Allemagne avant de s’établir en Australie. Passionné de la France et de sa culture, il a fondé French Moments, une organisation initialement basée à Sydney qui promeut notre beau pays au public anglophone. En 2014, il est revenu s’installer en Europe avec son épouse Rachel et sa petite fille Aimée. Professeur d’économie et de management en BTS, Pierre est également formateur de français en langue étrangère et guide touristique. Après avoir résidé quelques années en Ile de France et en Savoie, il promeut aujourd'hui la France depuis l'East Sussex en Angleterre.

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